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Étudiantes et travailleuses du sexe : « Les contraintes et les réalités auxquelles nous faisons face ne sont pas négligeables. »

La vulnérabilité économique, principale cause de l’implication dans la prostitution

Déborah, une doctorante, gagne l’équivalent d’un SMIC en ayant seulement quatre clients par mois. Bien que la prostitution puisse générer des gains substantiels, elle devient souvent un dernier recours lorsque la situation financière est désespérée. Déborah explique : « J’ai commencé pour payer mon loyer et pour me permettre quelques sorties entre amis, rien de luxueux. Surtout, cela m’a permis de poursuivre mes études sans avoir à m’inquiéter de l’aspect financier. » Sarah partage son expérience : confrontée à une facture d’électricité plus élevée que prévu, elle s’est retrouvée sans ressources en début de mois. Sans les revenus issus de la prostitution, elle aurait eu du mal à se nourrir. « Grâce à ces activités, j’ai pu partir en vacances, me faire plaisir avec de la nourriture et des sorties. » En somme, sa vie ressemblait à celle d’une étudiante lambda.

Selon Thierry Schaffauser du Strass, la précarité économique est clairement le principal facteur qui pousse certains jeunes à se tourner vers le travail sexuel. Il précise que ce n’est pas simplement le manque d’information sur les réalités de la prostitution qui pousse les jeunes dans cette voie, comme le suggère la loi de 2016 qui encourage la sensibilisation et la prévention auprès des étudiants et des jeunes pour les informer des risques liés à la prostitution. Ce militant associatif explique : « Les jeunes ne sont pas attirés par l’inconnu des pratiques prostitutionnelles, c’est bien souvent la situation précaire qui les pousse à y recourir. »

Quelles sont les motivations qui poussent certaines personnes à prendre cette décision ?

 Malgré l’existence des aides au logement (APL) et des bourses basées sur des critères sociaux, il semble que ces mesures ne soient pas toujours suffisantes. Sarah explique : « J’ai ressenti le besoin d’un soutien financier de la part de mes parents, ce qui m’a fait défaut. » Sa situation est compréhensible, car son père est décédé et sa mère dispose de revenus très modestes tout en devant subvenir aux besoins de sa sœur. « Au fil du temps, j’ai ressenti une frustration à vivre dans la précarité. J’avais le désir de pouvoir profiter un peu de la vie, de manger convenablement. »

Conflits familiaux, désaccords sur les choix d’études ou tout simplement des incompatibilités d’opinions, même des parents aisés peuvent refuser d’aider leurs enfants. Cependant, les bourses sont toujours calculées en fonction de leurs revenus, laissant ainsi un certain nombre d’étudiants sans soutien. Emilie raconte son expérience : « J’ai été confrontée à cette situation. Si j’avais reçu la bourse maximale du Crous, je pense que j’aurais pu terminer mes études », explique-t-elle. Malgré des parents gagnant 2 500 euros chacun par mois, Emilie ne peut compter sur leur soutien en raison d’une rupture familiale. Bien qu’elle ait tenté de demander une augmentation de sa bourse auprès du Crous, on lui a indiqué que cela était impossible, à moins qu’elle n’entame des procédures légales contre ses parents pour non-assistance. « Je n’étais pas prête à les poursuivre en justice. Tout ce que je voulais, c’était une aide sociale. »

Emilie reconnaît qu’elle n’aurait jamais envisagé le travail d’escorte si elle avait pu poursuivre ses études dans de meilleures conditions. « Cependant, ce travail m’a sauvé la vie. Sinon, j’aurais peut-être été sans abri ou prise dans la drogue aujourd’hui… » À présent, ayant dépassé l’âge de 25 ans, elle perçoit le RSA et continue de travailler en tant qu’escort, les revenus lui servant principalement à financer une psychothérapie. « Il est scandaleux que le RSA ne soit pas accessible à tous les jeunes. Souvent, les personnes qui travaillent dans l’industrie du sexe commencent avant 25 ans, car elles n’ont pas accès à l’aide publique. »

Avant la crise, 19 % des étudiants vivaient en dessous du seuil de pauvreté

La question de l’abaissement de l’âge d’éligibilité au RSA a pris de l’ampleur ces dernières semaines, alors que la précarité étudiante est en hausse. En France, seuls les jeunes actifs âgés de 18 à 25 ans ayant une certaine durée d’activité professionnelle peuvent prétendre au revenu de solidarité active (RSA).

« Lorsque l’on est jeune et en situation précaire, on n’a souvent pas accumulé cette durée d’activité professionnelle requise. Si vous n’avez ni diplôme, ni emploi, ni soutien familial, et que vous avez moins de 25 ans, vous n’avez droit à rien », a déclaré Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre, lors d’une émission sur Europe 1 le week-end dernier. « Une réforme plus inclusive du système de bourses basées sur des critères sociaux doit être sérieusement envisagée. Actuellement, ce système laisse encore trop de jeunes sur le bord du chemin. L’extension du RSA aux 18-25 ans est également une mesure primordiale », souligne quant à elle la Fage, le principal syndicat étudiant.

Il est important de rappeler que, selon une étude de l’Inspection générale des affaires sociales datée de 2015, 19 % des étudiants vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Depuis lors, les associations de lutte contre la précarité signalent une augmentation du nombre de jeunes parmi les bénéficiaires du RSA. Des stages et des premiers emplois introuvables, ainsi que des parents en difficulté accrue, sont parmi les raisons de cette tendance. Pour répondre à cette situation, le Premier ministre Jean Castex a annoncé le samedi 17 octobre qu’une aide exceptionnelle de 150 euros serait accordée aux étudiants boursiers bénéficiant de l’APL. Cependant, l’Unef, le deuxième syndicat étudiant, regrette que cette aide ne soit finalement destinée qu’aux étudiants boursiers.

« Malgré tout, j’ai acquis des compétences entrepreneuriales grâce à l’escorting »

Bien que Déborah aurait sans aucun doute préféré disposer d’un revenu stable plutôt que d’être escort, certaines personnes refusent que la société les perçoive comme des victimes. Sarah, qui rappelons-le, ne rencontre ses clients que virtuellement, affirme : « Je n’ai pas besoin de pitié. En fait, je suis plutôt fière de mon choix », déclare-t-elle. Elle ajoute : « J’avais d’autres options, comme travailler dans un bar en soirée ou livrer des repas pour Deliveroo, mais j’ai choisi cette voie. En réalité, j’aurais simplement souhaité ne pas avoir à travailler en parallèle de mes études. » Une cam girl interviewée affirme même ne pas être en situation de précarité car elle reçoit un soutien financier de ses parents. « Cela constitue un complément de revenu », précise-t-elle, tout en soulignant qu’elle est consciente de sa situation privilégiée.

Déborah explique même qu’elle a acquis de nombreuses compétences grâce à ce travail. Pour déclarer ses revenus, elle a dû créer une micro-entreprise (en utilisant un objet social fallacieux, couramment utilisé pour ce type d’activité comme coach personnel, masseuse, etc.). Elle décrit : « Pour garantir une clientèle, je dois gérer mes réseaux sociaux sur des plateformes comme OnlyFans, mettre en place une stratégie de communication pour me promouvoir et fixer mes tarifs. » Elle conclut en disant : « Grâce à l’escorting, j’ai développé des compétences entrepreneuriales », avec une pointe de fierté dans sa voix.

Est-ce que les sacrifices en valent la peine ? C’est une question complexe et nuancée qui ne trouve pas de réponse simple. D’un côté, le revenu qu’elles ont tiré de cette activité leur a permis de subsister et de poursuivre leurs études, mais de l’autre, ce métier exigeant les a enfermées dans la solitude et le secret. Sarah exprime : « Cette activité a occupé une grande partie de ma vie. J’avais des inquiétudes quant à la réaction de mon petit ami, ainsi que des préoccupations concernant ma carrière cinématographique et ma réputation à l’école. » Seule une poignée de personnes est au courant, y compris l’une de ses camarades de classe. Elle explique : « J’ai voulu m’assurer que si la situation venait à être divulguée (car je ne suis pas anonyme lors de mes prestations), j’aurais au moins une amie à mes côtés. » De son côté, Emilie envisage de mettre fin à sa microentreprise dans le futur pour se lancer dans un domaine totalement différent : l’analyse de données génétiques pour les hôpitaux. Cependant, elle admet : « Il n’est pas exclu que je revienne à l’escorting si je me retrouve à nouveau en situation précaire. »

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